J’ai connu Mona Chollet lorsqu’elle a sorti son livre Sorcières et, comme pour beaucoup de femmes, son discours m’a parlé. J’ai apprécié sa recherche, son idée qui file au fur et à mesure de ses lectures : c’est un travail de fond, des essais qui méritent leur nom.
Des faits, des partis pas vraiment pris mais des informations diverses et fouillées qui font réfléchir et grandir. Quand Lilou m’a prêté Chez Soi de cette autrice, j’ai été ravie. Tenez m’a-t-elle dit en me tendant le livre, en tant que praticienne du Feng Shui, ce livre devrait vous intéresser.
En effet, rien que le titre m’attire : la gestion domestique, ça me connaît, de gré ou de force ! Et pour moi, changer le monde, c’est d’abord le faire au quotidien, dans le concret et sans grands mots, alors "l’odyssée de l’espace domestique" ne pouvait que me passionner.
Eloge du casanier et des confinements
Cela commence par les qualités du casanier. Quel délice de lire que oui, malgré les incitations de la société à sortir, à être connectés socialement et numériquement, sous peine d’être un peu mis au ban si l’on fait le contraire, rester chez soi est salutaire sur bien des plans.
D’abord pour tous les humains construits ainsi, qui préfèrent leur terrier, pépères et prenant du recul sur le monde trop peuplé de fous.
Ensuite pour la planète : on consomme moins (dès lors qu’on ne reporte pas nos frénésies d’achats sur Internet), on se déplace moins, on occupe moins d’espaces publics, en se lovant chez soi. Bref, tout ce qu’on connaît un peu mieux depuis le confinement et le télétravail…
Le confinement justement, que Mona Chollet proposait avant celui, contraint, du covid : un confinement volontaire, ou de fait, grâce aux qualités de ceux qui aiment rester chez eux. Moi qui avais honte de dire que "j’avais bien vécu le confinement", et remarqué tous ses bienfaits, me voilà rassurée. Ce n’était pas si bête de dire "un bon confinement" plutôt "qu’une bonne guerre". Cette dernière est une horreur, et on voit ce que ça fait avec celle qui s’est déclenchée en Ukraine… C’est quand même mieux de rester dans sa maison, même cloîtré, plutôt que de la fuir !
Notre journaliste nous interpelle aussi sur la dilution du moi à servir et recevoir ceux qui passent chez nous. Encore un concept qui me va comme un gant : je me sens toujours dispersée, décentrée de moi-même dès que j’ai quelqu’un dans mon intérieur. Sans parler du travail domestique supplémentaire que cela suppose.
C’est d’autant plus net quand ce ne sont pas des très proches. Comment oser dire "non" cependant à ces gens "qui veulent nous voir" mais qui nous bouffent tout autant qu’ils le font avec nos petits plats ? Comment faire comprendre que notre hypersensibilité est loin d’être de l’asocialité, bien au contraire ? Car percevoir le monde, être en empathie immédiate, écouter avec attention, c’est très fatigant… alors que cela requinque l’autre ! Mona vit cela et nous le raconte, théorie du genre à l’appui.
Le charge mentale de la domesticité
Une autre source de stress psychologique quant à s’occuper de son chez soi est bien sûr la charge mentale de la domesticité. Ce sont surtout les routines contraintes les plus dures car elles sont répétitives, immuables, indispensables.
Ici j’évoque par exemple "qu’est-ce qu’on mange ce soir ?" ou encore mon souhait de ne pas vivre dans une porcherie (quoiqu’à bien y regarder, les cochons ne sont pas si sales que ça, mais c’est une autre affaire qu’on ne traite pas ici).
La plupart du temp, les réponses sont portées par les femmes de la maison. Car tous les jours nous devons manger alors qu’on peut reporter d’autres tâches, tout comme les cochonneries (oui, porcherie…) doivent être écartées car non salutaires à la santé. Se mettre aux fourneaux de temps en temps, et avec le frigo rempli, est bien différent de prévoir courses et repas, surtout lorsque ceux-ci sont tous pris à la maison (ou en bento !).
S’astreindre à nettoyer les WC à un rythme régulier pour qu’ils ne s’encrassent pas est plus que conseillé plutôt que de le faire de temps en temps… sans oublier de nettoyer la brosse, c’est pire que la cuvette 😊 Mais qui le fait réellement ?
L'art d'habiter
J’ai beaucoup aimé aussi son regard sur la mode des tiny house dont on a envie mais est-ce bien raisonnable de vivre dans un espace correspondant à un studio d’étudiant alors qu’on est adulte ?
Sans compter que dans la petite maison, on a le risque de se cogner la tête. OK, ce n’est pas sur des devoirs à rendre le lendemain, mais sur les poutres de la chambre de son toit exigu… y’a de quoi avoir encore mal à au crâne que de parler de son intérieur.
Ainsi, elle évoque aussi les squats, les propriétés aux multiples chambres alors qu’on ne fait plus d’enfant et les cabanes hôtellières pour les enfants que piteusement nous restons ou les maisons de thé de Fujimori. Autant d’arts d’habiter sur lesquels notre journaliste nous invite à réfléchir plutôt que foncer dedans.
Il y a bien d’autres thématiques et approches dans ce livre que je conseille. Il ne se lit pas comme un roman mais quelques pages chaque jour sont parfaitement digestes et l’on en ressort un peu psychanalysé.
Mona Chollet n’évoque guère les cultures traditionnelles comme le Feng Shui donnant à penser que l’habitat à une incidence sur l’habitant, ou simplement les logements en écoconception vers lesquels il faudrait se tourner pour la transition écologique. Mais c’est sûr, elle montre là un autre angle qui dit la même chose : la domesticité a vraiment une incidence sur nous.
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